Une résistante à la poursuite des œuvres spoliées par les nazis.
- Poudlard 41
- 28 juin 2023
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En 1940, la France est rentrée sous l'occupation allemande. L’armée française est battue et le gouvernement de Pétain met en place un armistice avec l’ennemi. Les nazis décident la réquisition des œuvres des musées nationaux et de leur transport en Allemagne. Cependant, des hommes et femmes tentent de protéger les œuvres, notamment Rose Valland.

Étant juste attachée de conservation bénévolement au Musée du Jeu de Paume à Paris, comment Rose Valland a-t-elle pu rendre possible la protection de chefs-d’œuvre et de leur restitution ?
Rose Valland, est une personne dont son histoire n’est pas connue par tous. On donne souvent le rôle de « sauveur » des œuvres d'arts spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale par les nazis, aux Monuments Men, une unité mise en œuvre par le président Roosevelt. Une unité composée par des hommes inaptes au combat et qui viennent de milieu de l’art, des archives ou encore des historiens. Cependant, à travers leur mission, les « monuments Men » ont eu recours à l’aide d’une femme, résistante : Rose Valland.
Tout d’abord, revenons sur son parcours, avant l’occupation. Rose Valland, a passé son enfance en Isère, dans le village de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. Intéressé par les beaux-arts depuis petite, Rose Valland, se perfectionne dans ce domaine. Passant par l’École des Beaux-arts de Paris, la célèbre École du Louvre, puis l’Institut d’art et d’archéologie et enfin l’École pratique des hautes études. Un parcours où elle a pu acquérir un bagage de connaissances importantes, ce qui lui permet d’avoir un regard professionnel et critique sur les œuvres d'art. Une qualité qui lui a été utile pour la sauvegarde des œuvres lors la guerre. Après la fin de ces études, l’étudiante d’Isère, rentre comme attachée bénévole au musée du Jeu de Paume. À cette époque, ce musée, situé dans les jardins des Tuileries, était une annexe du musée du Luxembourg et dédié aux écoles étrangères contemporaines. Un musée qui propose des expositions d’œuvres contemporaines, jusqu’en 1939.

Tuileries, vue sur la place de la Concorde et le musée du Jeu de Paume : photographie de presse Agence Rol
© Bibliothèque nationale de France
Une page se tourne…
En 1939, après une défaite éclaire de l’armée française face à la Wehrmacht, la France est occupée par les Allemands et le territoire est coupé en deux avec la ligne de démarcation dès le 25 juin 1940. Le 14 juin 1940, les Allemands sont entrés à Paris. Ils n’hésitent pas à mettre en place, avec le régime de Vichy, des rafles contre les familles juives. À travers ces rafles, les œuvres d’art des familles sont spoliées et sont envoyées en Allemagne. Une spoliation dans l’initiative du « Kunstschutz », dont le principe était la préservation du patrimoine durant les conflits, pour à la fin de la guerre, installé les œuvres dans le Führermuseum. En France, voyant la spoliation prendre de l’ampleur, le directeur des musées nationaux, Jacques Jaujard, décide de faire vider les musées, dont le Louvre, et transporter les œuvres à l’abri des nazis. Plusieurs lieux de dépôt d’œuvres sont choisis, dont le château de Chambord, le château de Saint-Blancard dans le Gers ou encore, l’abbaye de Loc-Dieu dans l’Aveyron. La mise à l’abri des œuvres est permise par Rose Valland.
En effet, en 1939, le musée du Jeu de Paume est réquisitionné et devient un lieu de transit des œuvres spoliées par l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg. Une équipe d’intervention de la NSDAP, dirigée par Alfred Rosenberg, connut pour avoir procédé à des confiscations de biens dans les familles juives.

Jacques Jaujard derrière son bureau (date et auteur inconnus)
Comment agir ?
Pendant ces quatre années d’occupation, Rose Valland réussit à maintenir son poste, comme attachée officielle de conservation du musée du Jeu de Paume. N’ayant pas de force pour faire face à la spoliation des œuvres, qui transit devant elle, l’attachée de conservation décide tout de même d’agir. Elle a l’idée de faire une liste détaillée, des œuvres qui partent pour l’Allemagne. Elle indique, à chaque fois, le titre de l’œuvre, le propriétaire et la destination. Étant affectés au bureau des communications durant la réquisition, les nazis ont rendu la tâche un peu plus facile à Rose Valland. Grâce à ce poste, elle a pu espionner les communications des nazis et surtout les informations essentielles sur l’exportation des œuvres d’art. Dans son livre Le Front de L’art (Défenses des collections françaises (1939-1945), publié en 1961, elle précise :
« Tout ce que je voyais et entendais finissait par constituer dans le fichier de ma mémoire et de mes notes, une importante réserve, d’après laquelle je m’efforçais de connaître autant que possible les opérations et les projets de l’E.R.R. Tout était à surveiller et à retenir car on ne sait jamais sur le moment le détail qui comptera plus tard ».
De même, elle parlait et comprenait très bien l’allemand. Toutes les informations qu’elle avait étaient transmises directement à Jacques Jaujard. Le risque qu’elle a pris a failli lui coûter la vie.
L'heure de retrouver les œuvres spoliées.
Grâce à la liste des œuvres spoliées, confectionnée par Rose Valland, le général Leclerc et son armée, ont arrêté, un train rempli d'œuvres de différents musées, en direction de l'Allemagne. À la fin de la guerre, Rose Valland devient membre de la Commission de récupération artistique qui est installée directement au Jeu de Paume. Elle décide de prendre la route de l'Allemagne, pour retrouver les œuvres d'arts, aux côtés des Américains. Promue capitaine dans l'armée, elle devient "agent de liaison" entre la CRA et le gouvernement français. Elle retrouve 60 000 œuvres en Allemagne, Autriche et dans les autres pays occupés par les nazis durant la guerre. 45 000 œuvres seront restituées. Des œuvres sont retrouvées dans des mines de sel, comme dans la mine de sel d'Altaussee, où le tableau l'Astronome du célèbre peintre Vermeer. Mais aussi dans des châteaux, comme dans le château de Neuschwanstein, en Bavière, où des œuvres provenant des collections Rothschild et Stern sont retrouvés. (Image en dessous)

Rue des Archives/Tallandier
Et après ?
Après son retour d'Allemagne, la mission qui lui a été confiée s'arrête après l'arrêt de la Commission de récupération artistique. Dans les années 1960, les politiciens essaient de tourner la page de la Seconde Guerre Mondiale et surtout de l'occupation. Cependant, la résistante, Rose Valland, continue les recherches et de permettre la restitution des œuvres. Elle décide aussi de rassembler ses notes qu'elle avait rédigées pendant l'occupation et en faire un livre intitulé : Le Front de L’art (Défenses des collections françaises (1939-1945)), publié en 1961. Jusqu'à son décès en 1980, Rose Valland a continué sa mission. La protection et la conservation des œuvres a été, durant toute sa vie, une ligne conductrice dans son métier. Malheureusement, avant sa disparition, la résistante n'avait reçu que très peu de reconnaissance et d'hommage. Ce n'est que dans les années 2000, que l'attachée conservatrice du Jeu de Paume sera mise à l'honneur. Aujourd'hui, lors de votre visite à Paris, vous pouvez voir au 5 rue de Navarre où elle a habité, son nom ou encore devant le musée du Jeu de Paume à Paris.
Encore aujourd'hui, des œuvres d'art sont restituées aux descendants des familles juives et des Franc-maçons. Vous pouvez retrouver sur le site du Gouvernement, la base de donnée de Rose Valland (MNR) qui permet, de faciliter la recherche et la reconnaissance des œuvres par les propriétaires. N'oublions pas que le travail exceptionnel de Rose Valland, a une importance pour les travaux des historiens.

Rose Valland © Getty
Article écrit par Gwendal Decarrière
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